Une idée un peu folle et naïve...
En 2020, je rencontre le psychologue de la structure Acodège. Il m’explique qu’il travaille avec les migrants mineurs. Milieu totalement inconnu pour moi.
Je lui demande si les jeunes en question seraient partants pour une séance photo. Statistiquement, j’avais peu de chance de les croiser.
Loin de moi l’idée de leur proposer une séance comme au studio Harcourt, j’avais surtout envie de les rencontrer et de leur offrir quelques minutes de lâcher prise devant mon appareil. Je rencontre dans un premier temps Julien, le responsable de service, et je lui propose un projet en noir et blanc. Il est partant et organise avec Laure une première rencontre avec les jeunes qui souhaiteraient me poser des questions. Ce deuxième rendez-vous avec eux, est surprenant.
Je les découvre avec leur pudeur, mais ils ne comprennent pas vraiment la démarche. Cependant certains sont prêts à jouer le jeu. Laure, éducatrice au sein d’Acodège, fédèrent les intervenants afin que cela donne envie aux jeunes. Nous bloquons deux dates 19 et 20 Octobre 2020. Quelques jeunes inscrits, et au final les plus curieux sont interpellés par la mise en scène du studio de fortune. Un fond gris, un siège, une grande boite à lumière. Ils seront d’avantage à se laisser tenter…
Je passe peu de temps avec eux, je voulais qu’ils n’aient pas le temps de trop réfléchir, et qu’ils aient juste à rester eux même. Et mon envie n’était pas qu’on discute pendant de longues minutes. Je voulais seulement qu’ils saisissent ce moment tel qu’ils en avaient envie. Ils s’approprient chacun ce mini espace, ils veulent poser avec leur sac à dos, leurs portables ou leurs capuches sur la tête. Je les laisse faire. Je veux qu’ils se sentent en confiance et avais donc installer un écran afin qu’ils voient un rendu en réel et en direct.
Certains restent dans une timidité très touchante, d’autres gardent une façade très forte, et certains jouent avec l’objectif. Ce qui est certain, c’est que tous, sans exception, portent avec eux, dans leur regard, leur posture, une part incroyable de leur histoire.
Plus tard, lorsque j’ai édité les photos sur mon écran, seule chez moi, je me suis rendue compte de la beauté de l’instant donné. Ils avaient tous sans exception des gueules. Rien de lisse, rien de standard, une personnalité présente et forte, donnée en quelques secondes. J’avais peut-être pénétré au-delà de leur protection.
Je n’ai pas pu voir leur visage lorsqu’ils ont découvert leurs images. Mais de ce que l’on a pu me dire, ils étaient surpris du rendu, contents mais avec toujours beaucoup de timidité. J’ai offert à chacun des participants un tirage de leur choix. Je les ai revus pour leur donner. Ils n’ont pas pu tous venir en même temps. Mais je les ai tous redécouverts.
Je n’ai aucune prétention de dire que je les connais, mais quelque part j’ai l’impression de les avoir rencontrés au-delà de leur reflet.
Je voulais leur offrir une expérience sympa les sortant un peu de leur quotidien et avec du recul je me dis que c’est moi qui ai vécu une expérience incroyable avec eux.
C’est avec beaucoup d’honneur que j’ai appris qu’ils ont donné leur accord pour exposer. Cela va au-delà du projet de base et j’en suis sincèrement très très heureuse.
J’espère que leurs mots et leurs images auront autant d’impact sur le public que sur moi. Je dédie ce projet à mon papa.
Portugaise de souche, mes parents ont fui la dictature de Salazar en 1969 pour rejoindre la France. Est-ce pour cela qu’ils me touchent autant ?
Même si je ne pourrais jamais conscientiser ce qu’ils ont vu ou vécu, je voulais au moins intervenir dans leur histoire pour un épisode certes furtif mais positif.
















